Le Pays sous le ciel by Matilde Asensi

Auteur:Matilde Asensi [Asensi, Matilde]
La langue: fra
Format: epub
Tags: aventure, historique
ISBN: 2368120076
Éditeur: Charleston
Publié: 2013-11-25T05:00:00+00:00

CHAPITRE 4

Sur le bureau, désormais dépouillé de tous ses livres, du cabinet de travail, les tablettes de bambou formant la vieille carte de l’architecte Sai Wu étaient réunies pour la première fois depuis 1662. Cette année-là, le prince de Gui avait coupé les cordons de soie qui les reliaient et ainsi obtenu trois fragments, qu’il avait remis à ses plus fidèles amis afin qu’ils les cachent le long du Yangtsé. Comme nous le pensions, le dernier fragment de la carte indiquait l’emplacement du mausolée perdu du Premier Empereur et le moyen d’y pénétrer sans se faire tuer, c’est-à-dire, nous le savions désormais, en évitant les tirs automatiques d’arbalètes et les dangereux pièges mécaniques tendus aux pilleurs de tombes (autrement dit, nous). Il était donc crucial pour nous de faire une lecture complète du jiance et même Fernanda, qui était revenue en courant dès que Biao était allé la chercher, était visiblement nerveuse et se penchait au-dessus des tablettes comme si elle pouvait comprendre ce qu’elle voyait. Lao Jiang finit par lui ordonner avec fermeté de s’écarter du bureau, avant de s’asseoir et d’ajuster ses grosses lunettes sur son nez. Les enfants et moi nous réunîmes derrière lui, dans un silence total, pour regarder par-dessus ses épaules.

— Que dit le dernier fragment ? m’enquis-je au bout d’un moment.

L’antiquaire secoua lentement la tête.

— La taille des idéogrammes est un peu plus petite et certains d’entre eux sont illisibles parce que l’encre s’est abîmée, dit-il enfin.

— Nous nous en doutions, murmurai-je en m’approchant un peu plus. Lisez ce qui se voit bien.

Il émit un grognement indéchiffrable et tendit la main vers Biao.

— Passe-moi la loupe qui est posée sur ces livres. (Le gamin se précipita et revint avant que l’antiquaire n’ait terminé sa phrase.) Bien, voyons… Ici, il est écrit : « Quand toi, mon fils, tu arriveras au mausolée, le sacrifice de tous ceux qui y ont travaillé aura atteint son but et plus personne ne se souviendra de son emplacement. »

— À quel âge Sai Wu pensait-il que son fils orphelin irait piller la tombe ? demanda Fernanda, surprise par la rapidité avec laquelle, selon l’architecte, une œuvre d’une telle ampleur et d’une telle importance tomberait dans l’oubli.

— À sa majorité, je suppose, comme il l’a indiqué dans le premier fragment, répondit Lao Jiang en retirant ses lunettes pour la regarder. Dix-huit à vingt ans après l’avoir envoyé chez son ami à… où était-ce ? Chaoxian ? (Il consulta les premières tablettes.) Oui, Chaoxian. Mais il n’est pas étonnant que personne n’ait pu se souvenir de l’emplacement de la tombe du Premier Empereur au bout de si peu de temps. Cette sépulture avait été réalisée uniquement par des hommes condamnés aux travaux forcés et par leurs chefs, les architectes et les ingénieurs. Or, ils étaient tous morts avec Shi Huangdi, avec qui ils avaient été enterrés vivants. Le commun des mortels – les « têtes noires » comme on appelait les hommes libres – ne connaissait pas le lieu de construction de la tombe, qui avait été tenu secret.

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